Séminaires 2019/2020 : L’amour au temps du …
Séminaires 2019/2020
ARGUMENT :
L’AMOUR AU TEMPS DU …..
On ne pouvait pas terminer notre dernière année de travail sur le thème «Au delà de la haine, des violences inédites?» sans questionner l’idée, au demeurant très répandue, que l’amour pourrait guérir bon nombre de nos vicissitudes et en particulier celles qui concernent la haine.
Sur ce terreau, presque toutes les religions se sont essayées à juguler les violences, les unes en tendant l’autre joue, les autres en rendant coup pour coup…
Que propose la psychanalyse?
Dès Freud, l’avènement du transfert, qui prône l’amour de transfert comme ‘vrai amour’, trace les contours du passage ‘obligé’ d’une cure pour aboutir au vrai symptôme, masqué par ce premier ‘symptôme’ qu’est la propension du parlêtre à vouloir attribuer à l’autre ses propres nécessités d’être aimé. Lacan, avec Platon et Le Banquet en fera le développement très précis.
Bien sûr, toute la branche de la psychanalyse avec les enfants bat en brèche cette conception qui soutiendrait que pour bien vivre, il faut avoir été ‘beaucoup aimé’.
Nous en donnerons pour preuve la ‘good enough mother’, mère suffisamment quelconque, de Winnicott ou encore cette conception tout à fait novatrice de Lacan soutenant que ce qu’il y a de plus angoissant pour un parlêtre, ce n’est pas le manque, mais le manque du manque ; à savoir cette position maternante qui ne laisse pas de répit à son enfant pour pouvoir éprouver le manque.
Une controverse donc plutôt fructueuse, qui travaille d’un côté dans la cure avec de l’amour de transfert, et qui de l’autre soutient la nécessité d’envisager une clinique dans laquelle l’amour n’est qu’un leurre, nécessaire certes, mais en aucun cas susceptible de guérir durablement, voire même au contraire comme nous y assistons dans notre contemporanéité, de produire tous les suggestionnements à l’origine des soi-disant ‘nouvelles’ thérapies.
Au contraire, la psychanalyse promeut la question du désir qui lui, ‘ne trompe pas’, et soutient que « l’amour c’est donner ce qu’on n’a pas… », ce qui peut éventuellement aboutir au ‘désamour’ et à toutes les formes de résistances à un amour trop étouffant, fût-ce sous les formes du symptôme, comme nous le rencontrons souvent dans la clinique psychanalytique avec les enfants mais pas que …
Au fond, l’amour n’est pas fiable puisqu’il ne peut jamais pour le sujet, être désapparié de son autre facette: la haine. Que dire en effet de l’amour pour son bourreau? Mais aussi de ces formes d’amour pathologiques que l’on rencontre de façon paradigmatique dans l’érotomanie? Que dire également de cette forme modernisée de l’amour dont le maître mot est ‘la bienveillance’? Enfin, peut-on soutenir encore qu’il s’agirait coté homme du désir et coté femme de l’amour? Qu’est devenu l’amour courtois?
Pourtant, cela n’empêche pas nos contemporains d’alimenter une certaine forme de petits arrangements avec l’amour comme en témoignent les actuels réseaux sociaux de rencontres, qui posent des questions sur la durabilité d’une relation, sur l’échange sexuel ‘sans amour’, sur la réduction du partenaire à la marchandisation de l’objet consommable; en tout cas nous assistons aujourd’hui à de nouvelles formes de lien social.
Evidemment, le rempart le plus simple contre ce qui reste considéré comme des ‘excès’ par certains est toujours le même: le retour de la famille bourgeoise sous une forme ou une autre, avec ses incontournables appuis religieux.
La psychanalyse aurait-elle d’autres voies à proposer?